Draft:Influence de la photopériode sur les stratégies de reproduction des manchots

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Influence de la photopériode sur les stratégies de reproduction des manchots de l'hémisphère Sud[edit]

Introduction[edit]

L’ordre des Sphéniscidés regroupe au total dix-huit espèces de manchots, réparties majoritairement dans les régions antarctiques et subantarctiques.[1]. Bien que ces oiseaux soient adaptés à la vie marine, ils ont besoin de se reproduire et de muer sur la terre ferme[2]. Si la plupart des manchots se reproduisent sur les îles subantarctiques, comme le manchot des îles Snares (Eudyptes robustus) ou le manchot Papou (Pygoscelis papua) sur les îles Crozet, le manchot empereur (Aptenodytes forsteri), est lui le manchot le plus spécifique à l’Antarctique­­[3]. Les îles subantarctiques ainsi que le continent antarctique présentent, à des degrés différents, des caractéristiques photopériodiques particulières ainsi que des conditions climatiques difficiles. En effet, l’Antarctique est l’une des régions les plus reculées du monde, recouverte d’une épaisse calotte glaciaire où les températures y sont extrêmes[4]. De plus, en raison de l’inclinaison axiale et du plan orbital de la Terre, les pôles et ses alentours connaissent des périodes de jour et de nuit dites "polaires", pouvant s’étendre sur plusieurs mois[5][6]. Les manchots qui vivent dans ces régions ne connaissent donc pas de cycles jour/nuit réguliers sur une base annuelle, contrairement aux régions tempérées du globe[7]. L’alternance irrégulière des cycles journaliers jour/nuit, suggère une adaptation des manchots quant à leur photopériode particulière. Le rythme circadien étant principalement régi par l’intensité de la lumière, l’horloge biologique innée des manchots, qui régule celui-ci, ne serait potentiellement pas le moteur principal du cycle de reproduction de ceux-ci, en raison de l’absence sporadique de lumière dans leur milieu de vie[6][8]. Il est donc intéressant de comprendre comment ces aspects photopériodiques polaires sont intégrés physiologiquement chez les manchots[9].

Explications des phénomènes en jeu[edit]

Stimuli environnementaux[edit]

Chez les oiseaux, la période de reproduction optimale est généralement déterminée grâce à la combinaison de multiples facteurs exogènes, tels que la photopériode, la température et la disponibilité de ressources alimentaires de qualité[10][11][12][13][14]. La plupart des manchots entament leurs comportements de reproduction lors de l’altération de la photopériode, i.e l’allongement de la durée du jour au printemps[9][13][15]. À ce moment, ils débutent alors une période d’hyperphagie, où ils se nourrissent en excès afin d’emmagasiner suffisamment de graisses pour survivre à la reproduction[13][15]. Il existe toutefois des exceptions, comme le manchot des Galapagos, qui est un manchot équatorial. L’absence de grands changements dans la photopériode à l’Équateur oblige ce manchot à adopter une stratégie de reproduction différente. Ils ont donc une reproduction asynchrone, contrairement aux autres espèces de manchots, et utilisent plutôt la température de la surface de la mer comme déclencheur de la reproduction[16][17]. Les manchots empereurs se distinguent des autres espèces, de par la longue durée de leur reproduction et du fait qu’elle soit initiée par l’écourtement du nombre d’heures d’ensoleillement durant le jour, à la fin de l’été[2][16]. Chez les autres manchots, c’est l’augmentation du nombre d’heures d’ensoleillement qui entraîne la sécrétion d’hormones spécifiques causant ensuite un changement dans le comportement des manchots[15].

Transduction du signal environnemental en réponse physiologique[edit]

Les facteurs exogènes abordés ci-haut sont captés par un photorécepteur extra-rétinien. La transduction implique l’activité d’une horloge biologique. Celle-ci génère un rythme circadien lorsqu’induite par la lumière. C’est ainsi que la photopériode est mesurée. Cette horloge se situe dans l’hypothalamus. La transduction du signal photopériodique implique la conversion de l’hormone thyroxine (T4) en triiodothyronine (T3), stimulant ainsi la sécrétion de l’hormone de libération des gonadotrophines hypophysaires (GnRH), puis la libération de LH (axe hypothalamo-pituito-gonadique (HPG))[18].

Hormones impliquées dans le cycle de reproduction[edit]

La composante photopériodique de la reproduction des manchots est grandement médiée par l’hypophyse, celle-ci étant responsable de la production et de la libération de plusieurs hormones, comme l’hormone lutéinisante (LH) et la prolactine (PRL), et répondant à la durée changeante du jour. Ces deux hormones sont responsables, respectivement, de la production de gamètes (amorçage de la reproduction) et du comportement d’incubation (maintien des comportements reproductifs et des soins parentaux). L’étude du cycle reproductif complet du manchot royal (Aptenodytes patagonicus) a permis d’établir les patrons hormonaux des hormones impliquées. Chez tous les individus, le niveau de LH est élevé lorsque les manchots reviennent à la colonie, après s’être nourrit en mer et après la mue. Le fait que la phase initiale du développement des gonades se produit alors que les manchots sont en haute-mer appui ce niveau de LH[2]. La reproduction est possible lors du retour des manchots à la colonie. Le taux de LH sanguin est maximal au moment de la copulation, puis chute lors de l’incubation de l’œuf et demeure faible lors de l’élevage des petits. La LH est à son minimum pendant près d’un an, jusqu’à ce que la prochaine mue se termine. Le cycle de reproduction recommence ensuite. La PRL suit exactement le patron inverse de la LH[9][19]. L’œstradiol et la progestérone chez les femelles, ainsi que la testostérone chez les mâles, suivent un patron relativement similaire entre eux et avec celui de la LH, étant donné que leur production est stimulée par cette dernière[9]. La mélatonine, quant à elle, n’a que peu ou pas d’importance dans la régulation de la reproduction saisonnière chez les oiseaux, contrairement aux mammifères, pour lesquels sont rôle est essentiel[20]. Par contre, les rythmes circadiens de mélatonine des oiseaux sont influencés par la photopériode et l’intensité lumineuse[21]. La glande pinéale aviaire contient à la fois un photorécepteur et un oscillateur circadien, et génère un modèle diurne de concentrations plasmatiques de mélatonine, qui reflète la durée de la photopériode quotidienne[22][23].

Conclusion[edit]

Les manchots sont des animaux particulièrement intéressants de par l’influence de la photopériode sur certaines de leurs fonctions physiologiques, ainsi que leur capacité d’adaptation à des milieux très différents. L'hypophyse produit et libère des hormones essentielles au cycle de reproduction des manchots, telle que la LH et la PRL. La libération de ces dernières est conditionnelle à la réception d'un signal exogène, i.e une altération de la photopériode du milieu[18]. Cette réaction en chaine particulière varie selon les latitudes dans lesquelles l’espèce se trouve, vu le changement de la durée d’ensoleillement entre elles[24]. La photopériode est cruciale afin d'assurer une reproduction réussie pour les manchots, où le manchot des Galapagos fait exception[9][13][15][16][17]. Son importance est d’ailleurs démontrée par les institutions biologiques qui recréent les heures d'ensoleillement du milieu naturel des manchots en captivité[5]. Avec les changements climatiques menaçants l’entièreté des écosystèmes, les régions subpolaires ne sont pas à l’abris. La photopériode reste inchangée face à ces changements, mais toutes autres conditions nécessaires à la stabilité des populations de manchots sont touchées, comme les ressources alimentaires, la température, etc. La disparité croissante entre les composantes nécessaires à une reproduction optimale, i.e la photopériode et les autres conditions essentielles, constitue une menace significative pour les manchots[25][26]

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